
Aunkai: l’interview de Kiaz
A l’époque où j’ai commencé le systema, l’aunkai pointait également le bout de son nez. Ces deux pratiques m’intéressaient de part leur approche de construction d’abord, pour utiliser un corps optimal pour autre chose ensuite, les techniques martiales entres autres. Je n’ai jamais essayé l’Aunkai par manque de temps mais à l’époque, j’avais contacté Kiaz qui diffuse l’Aunkai en France pour prendre des renseignements. Depuis, l’Aunkai s’est bien développé et j’ai voulu interviewer Kiaz pour en savoir plus sur sa pratique. Voici son interview 🙂

Bonjour Christophe et merci d’avoir accepté cette interview.
Bonjour Yvan, merci de l’intérêt que tu portes à Aunkai et de cette invitation.
Pour commencer peux-tu te présenter et nous parler de ton parcours ?
Je m’appelle Christophe mais tout le monde me connais sous le surnom de « kiaz ». Beaucoup plus facile à mémoriser que mon nom. 😉 Un nom de plume que j’ai acquis sur des forums traitant des arts martiaux.
Je vais avoir 48 ans cette année dont 30 ans de pratiques martiale passionnée. Principalement du karaté Shotokan et un peu de Wing Tsun. Mais l’engouement des pratiques internes dans les années 90 m’a poussé à explorer d’autres voies notamment sous forme des stages avec plusieurs experts.
Je suis également auteur de 2 blogs:
- « la quête de kiaz » qui parle de mes recherches dans la pratique martiale et corporelle et des choses qui leurs sont annexes
- « aunkai bujutsu lyon.com », dans lequel je développe mes réflexions autour de la pratique de l’école Bujutsu Aunkai fondée par Akuzawa sensei
Instructeur depuis 2010, je partage ma passion au dojo de Villars les Dombes à 30 km au nord de lyon, Dojo qui accueil des passionnés d’Aunkai de toute la France et pas seulement.

Comment as-tu découvert l’Aunkai ? Qu’est-ce qui t’as motivé à y rester ?
J’ai découvert Aunkai le lendemain de sa toute première démonstration en France à la maison de Taiji à Paris en 2006. C’était Edward Hines qui avait invité Akuzawa sensei à venir en France pour présenter ses recherches et son école.
Cela faisait plusieurs années que je cherchais une école pouvant répondre à mes exigences. Elles tenaient en trois points : pouvoir s’entrainer et progresser seul, améliorer sa santé et (éventuellement) savoir se battre plus efficacement. Exigences simples mais difficilement trouvable à cette période en tout cas.
La simplicité de la méthode et des exercices proposés : Tanren exercices seuls et Kunren exercice à deux. Permettent d’améliorer la structure et de se mouvoir librement dans l’environnement. C’était tellement facile que j’ai eu l’illusion que ça serais simple. En réalité c’est un chemin long et frustrant à arpenter. Mais il a changé ma pratique.
Grâce à Aunkai, tout a changé. Et j’en serais éternellement reconnaissant à sensei.
Peux-tu nous présenter l’Aunkai et ses particularités ? Quels sont les grands principes de l’école ?
Aunkai est la vision des Bujutsu de Akuzawa sensei. C’est pour ça qu’il insiste sur son appellation « Bujutsu Aunkai ».
La particularité de l’école vient du fait que son système ne ressemble à aucun autre système d’arts martiaux modernes. Il ne s’appuie pas sur un répertoire technique mais au contraire cherche dès le début à travailler des principes afin que chaque pratiquant puisse exploiter toute l’étendue de sa conscience et de son corps. Car les principes demeurent les principes quelles que soient les formes.
Tous les principes propres aux méthodes corporelles y figurent : alignement, connexion, structure, notion d’axes, corps lié, relâchement, prise de centre, travail de transfert de poids et de la gravité, absorption et génération de force, etc…
Après tout, c’est des principes que découlent les formes et non pas les formes qui engendrent les principes. Sensei dit souvent, rien ne sert d’apprendre 1 000 techniques. Quand le corps sera prêt il sera « LA technique ».
Il a définit son école comme étant « empreint de techniques d’arts martiaux japonais traditionnels et de bases chinoises pour la création d’un corps adapté aux applications martiales. »
A quel public s’adresse l’Aunkai ? Que recherchent les pratiquants qui s’y entraînent ?
Aunkai s’adresse à tout le monde. La diffusion reste confidentielle dans l’océan des pratiques et écoles martiales.
Ça peut surprendre ceux qui s’y sont intéressés ou qui en ont entendu parler mais la grande majorité des pratiquants ne connaissent pas son existence. Cependant il y a eu des interviews dans plusieurs magazines spécialisés (Energie, Karaté Bushido, Dragon Magazine, Budo Internationnal…) Sensei à aussi participer à des démonstrations (Nuit des Arts Martiaux Traditionnels 2008 et 2018) mais c’est un public ciblé et qui ne représente qu’un pourcentage infime de pratiquants français.
Tous ceux qui sont venus et qui viennent au début ont la même réflexion « c’est un complément parfait à nos pratiques » Comme moi je l’ai eu au départ.
Les profils des gens qui viennent sont différents. Des curieux qui viennent jeter un œil, les rêveurs qui cherchent la puissance interne dès la fin du premier stage, les passionnés et chercheurs investis qui ont entendu parler de ce maître d’exception.
En fait on cherche tous la maîtrise de notre corps et cette fameuse « modification corporelle » permettant une expression de liberté totale et l’expression d’une puissance découplée.
Comment se passe un cours type ?
Si la question est par rapport à un cours hebdomadaires d’une heure trente à deux heures il m’est difficile de te le décrire. Parce que l’enseignement que j’ai reçu s’est fait sous forme de stages intensifs de plusieurs jours. J’ai reproduis naturellement cette façon de fonctionner avec un stage de 5 heures deux fois par mois et des Gasshuku (stage intensif) de deux jours, un en juillet et un en août et un en décembre.
Le cours démarre et fini toujours par un salut. « Tout est dans le salut » nous a appris Sensei. Savoir marcher, se tenir debout, s’assoir et se lever.
S’en suit une petite séquence de déverrouillage articulaire, je suis très sensible aux saisons et à l’état du corps. Je poursuis soit par des Tanren soit par des éducatifs construit pour travailler tel ou tel principe. Puis on travaille les Kunren et les applications libres à mains nues ou au bâton (rokushakubo – bâton de 6 pieds de long) pour mieux éclairer les principes.

Il n’y a pas d’entrainement commun régulier hebdomadaire dans cette école? Dans ce cas entre deux stages, les gens progressent en s’entrainant seuls sur les formes?
Pas chez moi en tout cas. Chez d’autres kyoshi, oui. Je compte sur la responsabilité de chacun pour bosser personnellement entre 2 stages. C’est le seul moyen de progresser. Aunkai est un travail quotidien.
C’est un choix personnel de transmission. C’est risqué. Mais c’est faire confiance aux élèves. Et c’était un judicieux puisque j’ai présenté 3 élèves à sensei qui leurs a validé la ceinture noire
L’avantage de cette méthode c’est que l’on peut travailler tout seul. Le partenaire sert de testeur. Au-delà des applications de combat bien entendu qui sont un second volet.
Pour construire le corps, on peut se soustraire à un partenaire. Et c’est là toute la richesse (BON IL FAUT TRAVAILLER DANS LA BONNE direction sans se tromper…). Pour tester la forme, vérifier la structure et les effets sur l’autre il y a inévitablement besoin d’un partenaire.
Pour aller plus loin et aborder le combat, le uke est indispensable.
Corporellement, à quel type de structure doit-on s’attendre d’un pratiquant d’Aunkai ?
La « structure corporelle » c’est effectivement ce terme qui est mis en avant par les gens qui parlent de Aunkai, à mon avis si on doit s’attendre à quelque chose d’un pratiquant de Aunkai ça serait plus une « forme de corps » qui peut être de « type » Aunkai et encore ça dépend de l’investissement et du travail fourni par le pratiquant. Il faut non seulement travailler dur mais dans la bonne direction avec un bon état d’esprit.
Chaque pratiquant à un corps différent. Un vécu propre. Des expériences, des pratiques différentes. Mais tous aux travers des tanren vont se rééduquer, se préparer corporellement afin de retrouver un état naturel à partir duquel ils pourront s’exprimer d’une manière optimale et libre.
On regarde le miroir, on regarde son ego, on travaille sur soi, on cherche à s’harmoniser avec soi-même, avec les autres donc avec tout ce qui nous entoure.
Tu fais venir régulièrement Maître Akuzawa, le fondateur. Peux-tu nous parler un peu de lui ?
La branche de « Aunkai France » a le privilège de recevoir Sensei deux fois par an et organise sa venue.
Sensei est quelqu’un de surprenant. C’est un homme timide, réservé et d’une telle générosité ! Attachant et impressionnant par ses capacités corporelles. Pour moi c’est un génie. Il a commencé les arts martiaux à l’âge de 16 ans. Et à 36 ans il pose les fondements de son école !?
Il est en constante évolution. Le côtoyant depuis 11 ans j’ai vu la progression, comment son corps c’est modifié et comment il se perfectionne. C’est impressionnant!
Voir Akuzawa évoluer sur un tatami c’est comme contempler un grand peintre réaliser un tableau. On est subjugué par sa façon de se mouvoir, impressionné par sa présence, terrifié par sa puissance.
La toute première fois que je l’ai touché, Il était d’une telle densité que j’ai levé les yeux vers lui croyant qu’il occupait tout l’espace présent. C’était vraiment une sensation extraordinaire et effrayante à la fois.
On ne peut pas rester insensible devant un tel homme!

Comment se passe l’enseignement à distance ? Quels outils vous donne-t-il pour pouvoir travailler en autonomie ?
C’est lors de ses venues que sensei transmet son art. Il n’y a pas de cursus par correspondance.
C’est en général un volume d’une trentaine d’heures ouvertes à tous les pratiquants et d’une dizaine d’heures pour les ceintures noires de l’école. Il ya aussi tous les échanges que on peut avoir avec lui sur et en dehors du tatami (discussions, échanges informels, repas, etc.) L’enseignement se fait au-delà des cours.
Ça nous laisse un sacré bagage sur lequel on travaille, nous les enseignants dans nos dojo avec les élèves et tous ceux qui participent à ses stages intensifs.
Cet enseignement direct lui permet de juger notre progression, de nous corriger, de nous apporter des conseils et d’éclairer nos incompréhensions. C’est un enseignement de maitre à élève. Il te donne la matière et de quoi travailler jusqu’à son prochain retour.
Beaucoup d’échanges passent par le toucher, les sensations et où l’intuitif joue un rôle primordial. C’est à chacun de donner son maximum et de fournir le travail nécessaire.
Un des avantages et inconvénients de l’école c’est l’absence de nomenclature technique. C’est déroutant pour beaucoup de personnes habituées à des façons d’enseignement classique.
Faut avoir du caractère pour accepter l’idée qu’il est possible que six mois d’efforts et de travail peuvent être remis en question à chaque rencontre avec sensei. Le piège de l’ego est omniprésent. Il faut veiller à chaque instant pour suivre le chemin.
Quel est l’état de développement de l’Aunkai aujourd’hui ? En France et à l’étranger ?
Dans un contexte où les AM traditionnels sont concurrencés depuis plusieurs années par les sports de combat tels que le MMA avec des coups bien appuyés et les disciplines olympiques, des sports où on marque des points tels que le Judo, le Taekwoondo et maintenant le Karaté, l’attrait pour l’enseignement traditionnel ne fais plus l’engouement comme dans les années 70-80.
Alors le développement de l’Aunkai est à la mesure de ce monde. Long et fastidieux. Il faut montrer, démontrer et convaincre. Communiquer, se faire connaître, donner envie aux gens de venir.
En ce qui me concerne, en dehors de mon dojo, j’anime 3 groupes de travail qui me font revenir 2 fois par an. Dans lesquels je m’efforce de transmettre l’art de sensei.
A l’étranger c’est un problème différent. Pour que l’école se développe, il faut que sensei ou un de ses représentants puisse animer et guider un groupe régulièrement et qu’un leader local s’engage dans le cursus d’instructorat comme ça c’est fait en France.
Comment le structurer en France à ton avis ?
Si par structurer une école on entend la promotion et développement croissant de celle-ci, la première question serait ; est-ce que le rythme actuel n’en est pas la preuve ?
La régularité des séminaires de sensei est constante depuis 12 ans. Une formation continue d’instructeurs est en place. Des candidats demandent à intégrer l’école et suivent le cursus. Des dojo s’ouvrent et les instructeurs animent et partagent cet enseignement avec passion.
Ce n’est pas une discipline olympique. Ce n’est pas un sport. L’école demande beaucoup d’efforts. Aujourd’hui les gens veulent tout-tout de suite et consomment simplement sans réel effort. Alors que le chemin emprunté est beaucoup trop ardus et trop long pour pratiquer en dilettante.
C’est juste une question de temps. // Faut laisser le temps au temps
Veux-tu nous parler de ton actualité et de tes projets ?
Les projets sont dans l’actualité et l’actualité est faite des projets. (rire) C’est dans le présent qu’on construit l’avenir.
Concrètement, j’essaie d’avancer dans ce que j’aime et ce qui me donne envie. Je donne un maximum lors de mes stages et j’investis beaucoup de temps et d’énergie à créer l’envie d’étudier cette discipline. De cette façon, j’apporte ma contribution à l’école.
J’ai envie d’aider sensei à développer son école en France et au-delà.
Encore merci d’avoir accepté de répondre à cette interview. A bientôt !
Merci aux futurs lecteurs que j’invite à venir découvrir Bujutsu Aunkai et merci à toi pour cette interview.
Bonne pratique à tous.
