
Le travail des armes: la voie royale pour développer l’intuition
Lorsqu’on parle d’armes dans les arts martiaux, on pense souvent tradition. Les épées, sabres, hallebardes ou autres lances semblent d’un autre temps et on ne les conçoit plus comme des objets intéressants pour autre chose que la transmission d’un savoir traditionnel. C’est un peu différent pour les couteaux et les bâtons qui sont toujours d’actualité mais dans ce cas, on les utilise surtout dans un cadre de self-défense. Pourtant, les armes ont un autre intérêt, elles font réagir le corps. Chaque arme, en fonction de ses matériaux ou de ses fonctions, déclenche des réactions corporelles différentes. Lorsque l’on a expérimenté cela, on comprend que les armes sont des outils extraordinaires pour développer nos capacités. Une de celle qui est extrêmement intéressante à développer est l’intuition. Pour cela le métal et les armes tranchantes sont les outils les plus appropriées. C’est ce que nous allons voir ici.
Quel que soit la civilisation, les combattants ont toujours entretenu une sorte de fascination pour leurs armes. Les armes métalliques en particulier ont une résonance très particulière. Pendant longtemps j’ai pratiqué les arts martiaux philippins. Déjà à l’époque, j’avais la sensation que les avant-bras et les mains “sentaient” la trajectoire de la lame sans avoir besoin de porter les yeux dessus. Néanmoins, n’étant pas le coeur de la pratique, je n’y avais pas porté plus attention que ça. Plus tard, lors d’un stage de Vladimir Vasiliev à Munster, j’ai assisté à quelque chose d’un tout autre niveau. Vladimir évitait les attaques de couteau venant dans son dos en expliquant à ceux qui étaient en face de lui que le corps a l’intuition de la trajectoire des lames. Cela a ouvert un tout nouveau champs d’exploration pour moi et c’est le sujet de cet article.
C’était au cours de ce stage, je n’ai malheureusement pas retrouvé la vidéo mais voyez comme il a toujours conscience d’où le couteau se trouve sans le regarder
Le rapport du corps aux armes
Une arme n’est pas un objet anodin. Le corps y est très réactif. Faîtes vous frapper par un bâton, un couteau en aluminium, une chaîne métallique ou un fouet, piqué par une seringue puis demandez à votre partenaire de vous attaquer avec la même arme. Vous sentirez dans votre corps des réactions très différentes. Que ce soit dans les traditions européennes ou orientales, le travail d’évitement d’une arme les yeux fermés est toujours présent. C’est parce que tous les combattants ont senti cette influence de l’arme sur le corps.
Que ce soit les chevaliers européens qui se faisaient enterrer avec leur épée ou le katana japonais qui était supposé contenir un esprit, il y a toujours eu cette sorte de dialogue entre le combattant et la lame. De même, en discutant avec un forgeron traditionnel, j’ai appris à quel point l’intention du forgeron donnait vie à la lame, la rendant d’une qualité très supérieure à une lame forgée mécaniquement. Il prêchait peut-être pour sa paroisse, mais pour qui y fait attention, tenir une lame industrielle et une lame forgée ne donne pas du tout le même effet. C’est un peu différent avec les couteaux, la sensation de l’arme est moins envahissante. On peut tout de même très bien travailler avec un couteau.

La lame concentre l’intention
Pourquoi est-il intéressant de travailler avec ce type d’objet, hors recherche de la self-défense? Pour deux raisons principales liées à l’intention. Demandez à quelqu’un de vous attaquer avec une frite en mousse puis demander d’attaquer avec un sabre en métal ou un couteau. Vous verrez que l’intensité de l’attente n’est pas du tout la même. Cela n’est pas spécialement due au danger puisque la personne avec la frite va certainement vous attaquer beaucoup plus fort. Toutefois, l’esprit de l’attaquant, encore plus s’il débute sera beaucoup plus dispersé et son intention d’attaquer moins claire. On gardera la frite pour développer des capacités motrices et techniques plutôt. Dans ce cas, c’est certainement l’outil le plus intéressant.
De part mon expérience, la lame joue comme un canalisateur de l’intention. On est tout de suite plus sérieux avec une arme en métal, même s’il s’agit d’un couteau en aluminium. Il est d’ailleurs très intéressant de comparer une attaque avec un tanto en bois et un couteau en aluminum. Le Tanto est largement plus dangereux en tant qu’objet d’entraînement et pourtant, on craindra beaucoup plus l’aluminium. Pourquoi? Parce que derrière l’aluminium, c’est toute l’intention de l’attaquant qui est là. L’esprit est totalement focalisé par la lame. A terme, il faut se détacher de cela pour pouvoir avoir la seconde main “vivante” comme on dit en Kali. Toutefois, pour développer la sensibilité et l’intuition, c’est vraiment l’outil à utiliser.

Développer l’intuition par les armes
C’est donc grâce aux propriétés des armes que l’intuition sera travaillée. Morihei Ueshiba, fondateur de l’Aikido, disait qu’il voyait les trajectoires sous forme de directions lumineuses. De nombreuses personnes avancées et ne pratiquant pas l’Aikido m’ont parlé de la même chose. J’ai même entendu cela d’un membre aujourd’hui à la retraire du 11eme REP. Il m’avait raconté qu’il avait vu comme un trait de lumière là où il s’était positionné avec son groupe. Il avait alors dit à tout le monde de partir immédiatement et quelques secondes après un obus tombait à cet endroit précis.
Sans aller jusqu’à ces allégations extraordinaires, on peut rapidement arriver à des résultats bluffant en travaillant beaucoup avec les armes métalliques. Pour travailler cela correctement, il y a deux erreurs à ne pas faire. La première s’intéresser à la défense (technique). La seconde, chercher à deviner quand l’attaque démarre. Autant la première est relativement simple, la seconde demande un vrai lâcher-prise pour laisser le corps diriger les opérations. Cette qualité est importante en général puisque votre temps de réaction sera extrêmement raccourci. Toutefois, cela demande un vrai silence mental.
L’utilisation de la respiration sera dans ce cadre d’une grande aide pour maintenir le mental sous silence et ne pas se laisser déborder par la pression émotionnelle que l’attente de l’attaque peut générer. C’est dans cet état que l’intuition se manifestera et que le corps commencera à bouger de façon indépendante.
Un exercice pour prendre conscience du rapport aux lames
Attention, cet exercice est à faire seul ou alors avec un partenaire en qui vous avez une confiance totale. Prenez un vrai couteau. Pour le début, faîtes attention à ce qu’il ne soit pas trop coupant et de préférence peu pointu. Dans cet exercice, vous passez très lentement la lame sur le corps et lorsque le tranchant est présenté, ne touchez pas la peau mais restez à un centimètre de la surface du corps. Au départ, faîtes cet exercice couché, les yeux ouverts. Puis mettez vous debout et faîtes la même chose. Lorsque vous avez la sensation de pouvoir suivre la lame sans la regarder, qu’elle vous touche ou non, fermez les yeux et cherchez à sentir votre corps bouger sans que ce soit conscient.
Changer alors pour un couteau en aluminium et faîtes le même exercice mais cette fois en cherchant à sortir lentement de la trajectoire du couteau. De temps en temps, en allant toujours à cette vitesse lente, le partenaire cherche à planter le couteau en aluminium. Vous devez alors sortir de la trajectoire les yeux fermés. Vous serez étonnez de voir la facilité avec laquelle vous y arriverez après juste quelques dizaines de minutes de pratique.
Utiliser l’intuition pour lire l’intention d’attaque
Lorsque le corps a travaillé ainsi, on va commencer à intégrer la lecture de l’intention du partenaire. Encore une fois, si vous cherchez à deviner, vous n’y arriverez pas. Vous devez vous mettre dans le même état mental que dans le premier exercice. Sur cet exercice, prenez un couteau en aluminium à bout rond. Demandez à votre partenaire de vous frappez fort sur la poitrine en coupant avec le couteau d’entraînement. Une fois que la douleur est ancrée dans le corps, votre partenaire ne bouge plus et votre but est d’avancer vers lui pour vous mettre à une distance dans laquelle il va vous rater d’à peine deux ou trois centimètres. Quand vous êtes prêt, votre partenaire essaie de vous frapper le plus fort possible avec le couteau mais sans bouger ses pieds.
Quand vous trouvez facilement cette distance et que vous ne vous faîtes plus toucher, passez à la phase suivante. Retrouvez la même distance mais cette fois l’adversaire peut faire un pas avant de vous atteindre. Vous devrez donc sortir avant qu’il amorce son attaque sous peine d’être en retard. Laissez alors votre corps partir dès qu’il le sent, même si le partenaire n’a pas encore bougé. Il vous dira s’il comptait démarrer ou non. Lorsque vous êtes à l’aise, faîtes le même exercice sans le couteau et laissez vous guidé par votre intuition.
Là encore, les progrès sont très rapides.
Conclusion
Le travail avec les lames permet de développer l’intuition plus rapidement qu’ailleurs. Vous pouvez remplacer les couteaux par n’importe quelle autre lame. Je parlais de Kali dans l’introduction mais cet art martial développe une incroyable sensibilité alors que ce n’est pas spécifiquement travaillé…
Comment cela fonctionne? Je ne sais pas. Pourtant les résultats sont indéniables. Sur d’autres types d’exercices, je fais faire à tout le groupe des séries de 30 essais. Pourquoi trente? Parce qu’en général on utilise cette limite en biologie pour pouvoir commencer à faire des statistiques et que 30 permet de rester dans l’exercice. Au-delà ça devient compliqué.Généralement , sur l’ensemble de mon groupe, j’atteins un taux de réussite aux alentours de 60/65% sur le groupe. J’observe donc que cela marche, au moins dans un cadre contrôlé.
La piste explicative la plus prometteuse que j’ai aujourd’hui concerne les travaux d’un médecin américain, le Dr. Pawluk, qui travaille sur les champs magnétiques humains et l’influence des ondes électro-magnétiques pulsées sur la santé. Il a ainsi été montré que l’utilisation de champs magnétique faisaient réagir le corps. Ainsi, peut-être que le métal des armes peut réellement être ressenti par le corps et nous faire réagir. Pour l’instant je n’ai pas mieux. Toutefois, ce n’est pas parce que je ne le comprends pas que je vais arrêter de le travailler! La compréhension finira par arriver.
Essayez ces exercices et laissez en commentaire ce que vous avez ressenti en les faisant!
Partagez cet article s’il vous a plu et à bientôt!
Yvan


2 commentaires
taf
intéressant! sans aller jusqu’à du magnétisme, vite ésotérique, je pense que la simple sensation inconsciente des mouvement de l’air, du son, de la chaleur peuvent jouer un grand rôle.
Taxam
Le magnétisme tel que décrit dans l’article ne fait pas référence au Mesmérisme, mais bien aux champs magnétiques que l’on utilise dans le cas de traitement magnétique pulsés par exemple.
Après discussion avec un autre médecin, il semble également que le corps sentent les infrarouges à 15 cm, ça pourrait être aussi une piste. Néanmoins, les infrarouges, donnent une sensation de chaleur et de froid ce qui n’est pas vraiment ce que moi j’expérimente comme sensation.