
Les trois maîtres du Budo: ma revue
Judo, Karatedo, Aikido. Ce sont les trois principaux budos japonais fondés respectivement par Jigoro Kano, Gishin Funakoshi et Morihei Ueshiba. L’influence de ces trois approches sur les arts martiaux modernes est considérable. Si bien que pour le grand public, quand on parle d’arts martiaux, on pense en fait aux budos. Qu’est-ce que le Budo a changé dans la pratique martiale? Il a transformé des techniques de combat en méthode d’accomplissement de soi. Là où le combat était la finalité, il devient dans le Budo un outil pour forger un corps, un esprit et une morale plus forts. Pour faire un tel changement, il a fallu trois hommes exceptionnels. Que ce soit J. Kano, M. Ueshiba ou G. Funakoshi, leur vision, leur puissance de travail, leur force d’analyse ont permis le retour des arts martiaux dans le monde moderne.
Dans le livre les trois maîtres du Budo, John Stevens dresse une biographie de ces trois fondateurs du Budo. Cet article est ma revue de cet ouvrage.
Jigoro Kano, le père du Judo, principal Budo japonais

Le premier chapitre est consacré au père du Judo, Jigoro Kano. La raison est assez simple je pense puisqu’il a été le premier des trois à créer son Budo mais aussi, il a aidé les deux autres à se faire connaître!
Kano est né en octobre 1860 dans une famille aisée dont l’ascendance était relativement célèbre au Japon. Il fit le gros de son éducation dans un institut moderne dans ses idées puisque le directeur pronait à la fois une éducation traditionnelle mais également ouverte sur le reste du monde. C’est ainsi que Kano cherchera très tôt à s’intéresser à la culture occidentale. C’est également pendant cette période que Knao, chahuté à l’internat à cause de son statut de noble, entreprit d’apprendre le ju-jitsu, permettant au faible de remporter la victoire sur le fort.
Kano, un intellectuel des arts martiaux
En 1874, il entra à l’école des langues étrangères de Tokyo où il deviendra une des personnes possédant la meilleure maîtrise orale et écrite de l’anglais de tout le Japon. Durant tout ce temps, il cherchera également à continuer son apprentissage du ju-jitsu. Néanmoins, à cette époque, les arts martiaux sont désuets et il est difficle de trouver un professseur, maître Fukuda du Tenshin SHinyo Ryu, une école spécialisée dans les atemis et les techniques de projection.
Dès cette époque, l’esprit analytique de Kano entrait en conflit avec le modèle d’apprentissage traditionnel qui était de subir puis essayer de faire pareil… De même, il est dit que son principal partenaire était un poids lourd contre qui il n’arrivait à rien. Après avoir pioché dans le sumo sans succès, c’est en cherchant des techniques de la lutte occidental que Kano trouvera un renversement qu’il nommera plus tard kata-guruma et qui lui permis de prendre le dessus. Puis, après la mort de Fukuda, il alla s’entraîner chez Masamoto Iso, le fils du fondateur du Tenshin Shinyo Ryu. Là, il perfectionnera son travail sur les Katas et sur le randori. Après la mort de ce second maître, il rejoint l’école Kito-ryu, spécialisé dans le nage-waza. En 1882, ayant fini ses études, il déménagea dans un temple bouddhiste où il fondera la kodokan, l’institut pour l’étude de la voie.
Le Jujitsu devient Judo
Son idée est qu’il fallait que le jujitsu continue d’exister, mais sous une forme adaptée à la modernité. Cette forme serait le Judo Kodokan, où l’entraînement du corps et de l’esprit devait servir à une vie vertueuse et sage. Cette éducation devait aussi profiter à la société entière.
En 1883, il obtint de la part de son aître du Kito-ryu une autorisation d’enseigner. IL structura son école avec des niveaux (kyu) et un 1884, il descernit les premiers shodans à Tomita et Shiro Saigo, ses deux premiers élèves. Kano et ses élèves devinrent respéctés lorsqu’ils commencèrent à remporter des tournois comme celui de la police de Tokyo et dès 1889, plusieurs dojo kodokan étaient ouverts à Tokyo avec plus de 1500 étudiants!
En 1895, il formalise la structure d’apprentissage. Il définit trois Piliers qui fondent le Judo: l’éducation physique, le sport et l’ethique. Il donnera de nombreuses conférences sur le sujet, faisant du Judo bien plus qu’une discipline physique mais une vraie méthode éducative.
Le Judo un Budo international
En 1909, il devient membre du comité olympique et il poussa pour que Tokyo accueille les jeux en 1940, sans toutefois pousser pour que le Judo y soit représenté. Il ne sera olympique qu’en 1964 soit bien après sa mort. Durant les 25 dernières années de sa vie, il voyagea beaucoup pour promouvoir le Judo et étendre l’influence du Japon. Il décède sur le retour d’un voyage en Egypte en 1938.
Kano par le développement du Judo aura permis un retour en force de l’intérêt des japonais pour les arts martiaux. Cet intérêt profitera au Karatedo et à l’Aikido.
Une anecdote que je retiens particulièrement: on demanda à Kano comment se comporterait un grand judoka contre un animal sauvage. “La meilleure attitude de judo est de garder l’animal à distance par de grands bruits et de la lumière et de jouer la prudence plutôt que de risquer une confrontation très dangereuse”. Le Judo c’est ça, construire une personne sensée par une certaine forme de combat.
Gishin Funakoshi, père du karate moderne

Funakoshi est un peu différent de Knao Et Ueshiba. En effet, il est plus un promoteur du Karate qui est issu à la base d’Okinawa qu’un fondateur. Néanmoins, il est devenu le visage du karate moderne au Japon et dans le monde.
Okinawa est une île japonaise qui a eu un rôle de plate-forme commerciale. L’influence chinoise était grande là-bas et cela s’est ressenti dans les pratiques martiales. Les armes étant interdites à Okinawa, le combat à mains nues était très développé et était même une source de divertissement. Néanmoins, pour ne pas avoir de problème avec les autorités, le karate, la discipline de combat à mains nues d’Okinawa était pratiquée selon l’auteur de nuit et en secret…
Gishin Funakoshi
Funakoshi est né à Okinawa, lui aussi dans une famille issu de la petite noblesse. il fut initié au Karate à 11 ans par un camarade de classe mais son premier maître fut Tatei Kinjo puis ensuite Azato, un autre noble. A cette époque le karate était interdit donc Funakoshi s’entrainait la nuit tandis que le jour il était enseignant. Azato était un homme d’affaire à succès. Pour cela, il appliquait le karate aux affaires. A savoir, garder une forme et des manières toujours dignes, une grande détermination dans l’action et une analyse attentive des forces et des faiblesses de tout partenaires ou adversaire.
Funakoshi s’entraîna avec d’autres maîtres d’okinawa et apprit également le travail du bo. A okinawa, Funakoshi devait se battre régulièrement contre les malfrats locaux, lui donnant une bonne expérience du combat. Il se révéla en plus être un très bon négociateur et parvenait à résoudre de nombreuses situations conflictuelles sans avoir à combattre. Il était ainsi appelé comme médiateur dans bien des situations par la police.
Le développement du Karate
C’est dans les années 1890 que le Karate sortit de la clandestinité. Si bien que le Karate fut au programme des lycées public. Funakoshi fut moteur dans le développement de l’art sur l’île. En 1917, il fut invité pour faire une démonstration à Kyoto. en 1921, il décida de se dédier entièrement à la diffusion du karate et abandonna son poste d’enseignant de lycée. En 1922, il donna une démonstration ou Kano était présent. Kano lui proposa d’enseigner le karate au Kodokan, ce que Funakoshi accepta. Plus tard, il prendra son indépendance du Kodokan pour ne pas se laisser absorber mais gardera d’excellente relation avec J. Kano. D’autres karatekas firent le voyage d’okinawa au Japon pour enseigner. Funakoshi les connaissait tous.
En 1935, Il publie “karate-do kyohan“, le texte fondateur du karate shotokan. Le karate devient un Do, un travail de la Voie, à l’instar du Judo. Il transforme le terme main chinoise en main vide en modifiant l’idéogramme de Kara. Enfin, il renomma avec des noms japonais la plupart des katas. ce n’est qu’en 1936 qu’il ouvre enfin son premier vrai dojo, le shotokan. Cependant, déjà au sein de ce dojo, il y eut deux types de pratique. Une pratique traditionnelle axée sur le combat de survie prônée par Gishin Funakoshi et une de compétition prônait par son fils Gigo qui enseignait également.
En 1945, alors que l’entrainement au karate était devenu une question de vie ou de mort chez les pratiquants japonais, le bombardement de Tokyo détruisit totalement le Shotokan.
En 1949, il put reconstruire le SHotokan et la pratique du Karate fut autorisé par les américains qui n’y voyaient qu’une simple boxe et non comme un budo. Malgré cela, le karate était changé et Funakoshi n’aimait aps ce qu’il était devenu. Il édicta les 20 principes du karate-do pour fixer sa vision qui n’avait plus cours. Dans les années 50, le karate se développa à l’étranger, en Amérique notamment. Le successeur de Funakoshi, Nakayam, le répandit dans le monde entier; Funakoshi décéda le 26 avril 1957 à l’âge très avancé de 89 ans.
Morihei Ueshiba, le fondateur de l’Aikido

Ueshiba parmi les 3 fondateurs des Budos japonais était son conteste martialement parlant le plus impressionnant. Plus jeune de 20 que Kano, il est né en plein dans l’âge moderne du Japon. La famille de Ueshiba était également une grande famille de Tanabé. C’était également une famille très pieuse.
Ueshiba avait une passion pour les sciences et les mathématiques en particulier. Cependant, son père, sachant que son fils était de nature fragile, l’envoya faire du sumo pour se renforcer. Ce fut son premier contact avec les arts martiaux. Néanmoins, il ne les prit au sérieux qu’après l’agression de son père par des bandits. IL continua d’étudier jusqu’à devenir un professeur assistant de mathématiques. Il devint ensuite comptable pour le trésor public. TOutefois, à la même époque il rejoignit un mouvement rebelle de pêcheurs qui protestait contre le gouvernement local auquel son père appartenait. Après avoir réglé la situation, sa famille décida d’envoyer Morihei loin pour prendre l’air… Il partit pour Tokyo en 1902.
Premier contact avec le combat
A Tokyo, il étudia le commerce et monta sa propre affaire mais le soir il étudiait le jujitsu. Le tenshin shinyo, comme Kano. Il étudia peu longtemps mais cela lui révéla son intérêt pour le combat. Son affaire marchait très bien mais il décida de la donner à ses employés pour retourner dans sa province natale. Là, il s’engagea dans l’armée où il s’entraina au Jujitsu.
En 1905, il fut envoyé en Mandchouri en tant que soldat, mais son père fit pression pour qu’il ne fut pas trop exposé au danger… Il revint sain et sauf au Japon. Son père refusant qu’il fasse carrière dans l’armée, Ueshiba perdit pied. Pour le recadrer, son père fit construire un dojo dans sa propritété pour que son fils puisse faire de l’exercice et se défouler. En 1910, il décide de devenir colon pour coloniser l’île d’Hokkaido où il deviendra un moteur de la communauté grâce à sa force mentale et son énergie.
L’entrée dans l’univers des arts martiaux
En ce qui concerne ses capacités martiales, son travail de bucheron lui permis de développer une très grande force. Néanmoins, lorsqu’il fut mis sur la route en 1915 de Takeda, maître du Daito-ryu, il fut impressioné. Takeda fut selon certains, le plus grand maître du Japon. Ni Funakoshi ni Kano ne faisaient le poids. Issu d’une lignée de samouraïs, il avait appris les arts martiaux dès son plus jeune âge et les avaient mis en applications lors de nombreux combats de rue. D’ailleurs, son fils adoptif, Shiro Saigo, avai permis au Kodokan d’avoir une grande réputation en combat dans les premières années. Ueshiba devint son plus fidèle élève.
Ueshiba développe ses capacités
En 1919, il quitta Hokkaido pour rejoindre son père malade. Sur le chemin, il rencontra un autre personnage, leader d’une secte influente: Degushi de l’Omoto-kyo. La mort de son père avant son retour le poussa à joindre la secte. Degushi avait convaincu que Ueshiba était destiné à révéler le vrai sens du Budo au monde. L’Omoto-kyo avait de nombreuses techniques de méditation et de travail sur les sons pour générer de la puissance. Ueshiba enseigna donc le budo intégrant la vision de l’omoto-kyo. En 1922, Takeda remis à Ueshiba un certifiat lui autorisant à enseigner le Daito-ryu. Ueshiba dont l’habileté martiale était alors reconnu devint le garde du corps de Degushi ce qui lui donna beaucoup de travail, un grand nombre de personnes souhaitant la mort du leader. Pendant cette période, il sembla développer un sixième sens lui permettant de prévoir d’où venaient les attaques.
Sa réputation grandissante, on s’intéressa à lui jusqu’à l’inviter à faire une démonstration à Tokyo. Son habileté lui assura le soutien des militaires et des nobles qui prirent des cours avec lui. Même Kano qui le rencontra en 1930 fut ébloui par ses capacités et lui envoya certains de ses élèves avancés en cours. En 1931, on fit construire un dojo pour Ueshiba, le Kobukan et Ueshiba devint le professeur de Budo de l’élite de la nation. Il percevait du gouvernement une pension équivalent à un salaire de ministre!
La naissance de l’Aikido
En 1942, en désaccord avec la guerre menée par le Japon, Ueshiba décide de rompre ses affiliations avec le gouvernement. Il déménagea à Iwama où il fondera les bases de son Aikido, un art pour la paix. Après la défaite japonaise, l’Aikido fut interdit et ueshiba reclut dans son jardin à Iwama. Ce n’est qu’en 1950 que l’entraînement put reprendre. C’est à cette période que l’Aikido fut exporté partout dans le monde. Ueshiba voyagea beaucoup pour le diffuser et nous avons la chance d’avoir de nombreuses vidéos de lui.
Il mourut en 1969 à 86 ans
“l’Aikido est pour le monde entier… Il n’est pas là pour des buts égoïstes ou destructeurs. Entraînez vous pour le bien de tous”
Conclusion
Les maîtres du Budo est pour ainsi dire un indispensable. Quel que soit l’art martial que vous pratiquez aujourd’hui, ces trois hommes ont influencé leur forme moderne. Les trois ont peint une pratique idéale, servant au développement de l’Homme et de sa communauté. Malheureusement, c’est un idéal difficile à tenir par les représentants actuels… Comprendre cette vision permet de comprendre notre propre pratique et ce qu’on doit y chercher.
Ce qu’il y a également de notable, c’est que les trois sont issus de milieux favorisés. A part peut être Ueshiba, ils n’ont pas spécialement joué leur survie sur leurs compétences martiales. C’est là qu’un Budo peut se développer. Ils ont utilisé leurs compétences à des fins bien plus intéressantes que la victoire en combat. Ils ont ouvert une nouvelle voie et leur chemin de vie a permis de montrer à quel point cette approche est efficace.
Quand je regarde une journée de Jigoro Kano, ou quand je vois ce qu’il a accomplit et que je compare à ce que moi je peux accomplir, je me pose des questions.
D’un point de vue personnel, bien que ne pratiquant pas ces Budos, Kano et Ueshiba sont de véritables modèles. Des gens qui ont transcendé l’aspect physique de l’art martial pour construire une vie exceptionnelle. Simplement cela est inspirant.
Le livre de John Stevens, les trois maîtres du Budo est ainsi. Inspirant. Ces trois Budos ne parlent pas du Japon, ils parlent réellement du potentiel humain et de comment l’exploiter.
A bientôt
Yvan


Un commentaire
Ping :