L’esprit du Randori: comment en maximiser les bénéfices?

Le randori est une pratique que l’on retrouve dans divers arts martiaux. Cette pratique est sensée être un combat sans enjeu. Bien que la définition soit simple, sa mise en oeuvre est difficile. Pourtant, bien utilisé, le randori donne des résultats phénoménaux. La réputation d’efficacité du Judo et plus tard du Jiujitsu Brésilien est grandement construite par la pratique du randori. Dans cet article, l’objectif sera de voir ce qu’il y a réellement dans cet exercice pour pouvoir en tirer le maximum et ne pas en faire un simple sparring.

 

Qu’est-ce que le randori?

 

Le randori est un exercice d’opposition libre entre deux PARTENAIRES. Cette notion est importante. Il a été popularisé par Jigoro Kano, fondateur du Judo, qui l’a mis au centre de sa méthode. Cette pratique existait aussi avant dans d’autres disciplines. Le randori permet d’exprimer et d’essayer différents mouvements sans qu’il y ait la notion d’enjeu. C’est un travail extrêmement collaboratif malgré son apparence.

Pourquoi est-ce une méthode d’entraînement redoutable? Parce qu’elle permet de pratiquer sur un partenaire non consentant tout l’arsenal technique que l’on connait. Le randori permet de développer l’ensemble des qualités nécessaires au combat sans risquer la blessure ou la défaite. Ceci permet de totalement désinhiber le pratiquant et augmente considérablement sa progression.

A l’époque du commencement du Judo, c’est cette habileté qui a donné un avantage considérable aux judokas par rapport aux autres écoles de jujitsu qui ne pratiquaient souvent le combat libre que bien plus tard dans la progression.

 

L’état d’esprit du randori

 

La bonne utilisation du randori en entraînement repose largement sur l’état d’esprit dans lequel il est fait. En effet, c’est vraiment cet état d’esprit qui fait la différence entre le randori et le combat. Malheureusement, trop souvent, les pratiquants ne comprennent pas ou ne sont pas assez disciplinés pour exécuter correctement. Que doit-on alors chercher dans le randori:

  • Une exploration des possibilités
  • La création d’un champ d’expérimentation
  • Le développement des capacités du partenaire autant que des siennes
  • Une dynamique permanente
  • Un engagement mental totale mais une puissance contrôlée
  • L’acceptation voir la recherche de l’échec

Ces six points vous feront progresser à une vitesse fulgurante et je vais détailler pourquoi.

L’exploration des possibilités

Le randori doit permettre de tout tester et cela avec la technique la plus propre possible. Le placement, le moment, le bon équilibre doit être recherché. De même, chaque déplacement, chaque action doit être une occasion de tester quelque chose. En randori, on ne doit pas se limiter à une technique, on doit tenter tout ce qu’on sait faire ou qu’on est en train d’apprendre à faire. Il y aura énormément de ratés mais l’essence du randori est dans ces échecs. Plus vous explorerez, plus vous vous habituerez à voir les opportunités arriver et moins vous aurez peur de les prendre.

La création d’un champ d’expérimentation

Le randori doit être un champ d’expérimentation. Cela signifie que les deux partenaires doivent multiplier les opportunités de travail. Chacun devra veiller à laisser des ouvertures plus ou moins évidentes pour que le partenaire les prenne. Cela ne veut pas dire qu’il n’essaiera pas de contrer mais il doit y avoir la possibilité de lancer une attaque. Fermer le jeu n’est absolument pas dans l’esprit du randori. Attention, à l’inverse, se laisser faire n’est pas non plus la solution. L’équilibre se trouve dans le fait de tenter des choses qu’on ne maîtrise pas, cela ouvrira naturellement des opportunités.

Développer les capacités du partenaire (et les siennes dans la foulée)

Le randori doit être profitable aux deux partenaires. Une des maximes du Judo est entraide et prospérité mutuelle. C’est exactement ça. Le randori ne doit pas servir à dominer le partenaire mais à l’aider à s’améliorer. Plus il sera bon, plus il posera de problèmes techniques à résoudre et plus vous progresserez aussi. Ainsi, si le partenaire n’ose pas attaquer et s’engager, lancez vous même attaque sur attaque ou mouvement sur mouvement jusqu’à ce qu’il parvienne à saisir une opportunité. Puis, lorsqu’il est à l’aise contrez-le pour qu’il trouve une solution.

Une dynamique permanente

Le randori ne peut vivre s’il y a tout le temps du mouvement. Le mouvement crée les opportunités mais permet aussi de varier les structures d’équilibre. Il faut à tout prix en randori limiter la contrainte. A savoir, si on est sur le point de tomber ou de se faire frapper, on cherche à accepter la chute et la frappe plutôt que bloquer. L’attaque et la défense doivent se confondre dans un même mouvement continu.

 

Un engagement mental total mais physiquement contrôlé

 

Cette notion est également compliquée à tenir. En randori, vous devez vous engager totalement dans votre mouvement. C’est-à-dire sans réserve en cas de contre. Subir le contre fait partie du travail. Par contre, c’est l’intention qui doit être totalement engagé, pas la puissance. Le randori ne doit pas causer de blessures pour pouvoir être pratiqué beaucoup et longtemps.

 

Accepter et même rechercher l’échec

 

Il n’y ni victoire ni échec en randori, pas plus que de points comptabilisés. C’est donc en randori qu’on doit prendre tous les risques. Même plus, on doit chercher comment l’échec peut arriver pour se préparer à y répondre. De plus, accepter l’échec permet aussi d’apprendre à y réagir correctement. Ce n’est que comme cela qu’on pourra chercher à rester dans le mouvement.

 

Comment cadrer un randori?

 

Quelques règles simples permettent de bien cadrer un randori:

  • si vous êtes meilleur que votre partenaire, interdiction d’utiliser la moindre technique maîtrisée. Vous ne faîtes que de l’expérimentation laissant un maximum d’ouverture au partenaire en retour
  • si vous êtes du même niveau, les deux doivent attaquer et ne gérer la défense qu’avec du contre ou du déplacement, jamais de blocage ou de ralentissement du jeu
  • si vous êtes moins bon, attaquer constamment avec vos meilleures techniques et ne défendez quasiment pas (autre que par le mouvement).
  • Ne tenez jamais le compte du nombre de choses que vous avez réussies ou échouées.

 

Si vous appliquez ces règles simples, mais pas facile à mettre en oeuvre, votre travail deviendra réellement très fin et intéressant. C’est ainsi que vous ferez une vrai différence entre combat d’entraînement et randori.

Comment adapter cet esprit à ma discipline?

Le randori est surtout connu dans le judo. Pourtant, l’esprit peut-être appliqué à n’importe quoi. Il suffit d’appliquer les règles vues plus haut. Il y a par contre un point clé pour que ce soit vraiment efficace: la possibilité d’avoir un engagement mental maximum avec une sécurité très élevée. Certes, on reprochera sûrement qu’on perd en réalisme mais c’est précisément ce qui a été fait au Judo, en supprimant tout ce qui était dangereux. Ainsi, l’engagement peut être maximal sans risque.

Comment adapter cela aux disciplines de percussion alors?

La piste la plus évidente, l’utilisation de protections. beaucoup de protections… Oui c’est moins réaliste mais n’oubliez pas, l’objet du randori n’est pas de gagner ou perdre, c’est d’expérimenter. Les protections permettent cela. L’autre possibilité, la lenteur. Travailler très lentement permet d’utiliser l’intégralité d’un panel technique sans risquer la blessure. Là, l’écueil est de ne pas se comporter de façon réaliste et encore. En effet, même, si le partenaire qui reçoit une frappe ne devrait pas réagir comme s’il n’y avait pas eu d’impact, peu importe. Les mouvements doivent s’enchaîner, c’est surtout cela qui importe. Idem avec le travail des armes, être touché après avoir touché soi-même dans le cadre du randori n’est pas spécialement un problème, il faut juste réagir au mieux dans le cadre donné.

Comme vous pouvez le voir, il y a de nombreuses façons d’adapter l’esprit du randori. Une dernière, comme je l’ai déjà écrit, j’aime beaucoup les principes de la boxe éducative. Dans ce cas, c’est le contrôle qui est mis en avant avec sanction à partir du moment où un coup porté est douloureux. Cela peut sembler paradoxal parce que c’est quand même le but final de faire mal mais encore une fois, l’objet du randori n’est pas de gagner ou de neutraliser mais d’expérimenter des situations. C’est pour cela que je trouve cette approche intéressante.

 

Conclusion

Le randori fait partie des outils les plus puissants pour progresser dans les arts martiaux. Cependant, pour qu’il fonctionne l’important est de le pratiquer dans le bon état d’esprit. Le randori n’est pas le combat et il ne doit pas le devenir, sinon, il perd son intérêt. Par contre attention, le randori N’EST PAS le combat… La pratique du combat (faible à haute intensité) reste indispensable. La différence est dans la finalité. Un combat, même souple, a pour but de l’emporter. Le randori non. Et trop souvent, il devient du combat souple. Il faut donc bien distinguer les deux pour petit à petit, bien assimiler vos qualités techniques et pouvoir les utiliser en situation dynamique.

 

Dans votre discipline, quelle est la méthodologie la plus proche du randori? En avez-vous une? Laissez vos approches en commentaires pour pouvoir découvrir de nouvelles approches!

 

A bientôt

 

Yvan

 

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