Le travail interne

Voici un article que je dois d’écrire depuis quasiment deux ans. A chaque fois que j’ai commencé, j’ai repoussé parce que trop insatisfaisant. Parler du travail interne me semble en effet manquer clairement de substance si il n’y a pas l’expérience avec. De plus, étant toujours à la recherche de la compréhension fine de ce qu’il se passe, le travail interne est fondamentalement frustrant pour moi et en parler ramène à cette contradiction suivante : je le travaille, les effets sont là mais l’explication jamais satisfaisante. Par conséquent, plutôt que d’essayer de présenter de façon précise ce travail, je vais plutôt discuter de la recherche et des conséquences le sous-tendant. Disclaimer, pour les zététiciens et scientistes, fuyez, il n’y aura dans cet article rien d’argumenté grâce à des études scientifiques, d’objectif ou de quantifiable. Par contre, il y aura réellement une piste à explorer pour aller loin dans la compréhension de l’Humain.

 

 

 

Le travail interne, une définition difficile

 

Le premier problème lorsque l’on parle de travail interne est de bien définir de quoi on parle. Pour faire simple, j’utiliserai la définition suivante que j’emprunte à mon ami Serge Gilette, praticien taoïste : influencer le monde au moyen de son intention. Ainsi, un travail mécanique avec une compréhension fine et une utilisation subtile presque invisible, ne rentre pas dans ce cadre-là. En fait, le travail doit partir de l’intention et le résultat doit être produit sans exclusion de moyen et même sans avoir parfois conscience du moyen utilisé. A un certain point, il peut donc y avoir autant voir plus de travail interne chez un boxeur, un footballer ou un chanteur que chez un pratiquant d’aikido ou de tai chi. Je ne parle pas de la « zone », bien que cela y soit lié dans la mesure où là aussi, le corps agit seul pour effectuer la performance désirée. Néanmoins, dans ce cas le déclenchement ne se fait pas à volonté. Ce qui ne sera pas le cas du travail interne ou on cherchera cet état consciemment et où le moyen ne sera pas forcément le corps.

Lorsque l’on parle de travail interne, on y associe également très rapidement le travail énergétique. Posons d’ailleurs les bases de ce sujet, l’énergétique n’est pas démontré scientifiquement (encore qu’il faudrait bien définir ce dont on parle), néanmoins, c’est une part de ma pratique. Encore une fois, c’est pas parce qu’on n’est pas sûr que ça existe que ça n’a pas d’effet. Or, le travail énergétique peut être fait sans forcément pratiquer de l’interne… Par conséquent, l’interne n’est pas l’apanage des arts énergétiques non plus. D’ailleurs, les arts énergétiques peuvent être approchés de façon très « technique ». Evidemment dans ce cas, ils ne sont pas bien pratiqués mais on peut dire la même chose de toutes les autres pratiques en fait…

 

Aborder le travail interne, l’exercice de la balle

 

L’exercice de la balle

 

Plutôt que de longs discours, je vais directement commencer par l’exercice de la balle. Cet exercice est intéressant, il illustre parfaitement le travail interne. Imaginez une petite balle, à l’intérieur de votre main. Quand je dis balle, je parle du concept de balle dans son ensemble, pas juste l’image de la balle. Donc vous pouvez évidemment la visualiser mais aussi la sentir (masse ou odeur), ressentir son mouvement, ou entendre le bruit qu’elle fait. Peu importe et tant mieux, tout le monde n’étant pas capable d’utiliser la même création mentale. Une fois votre construction mentale créée, essayez de la déplacer petit à petit dans le bras. Il ne s’agit pas simplement de penser la déplacer, il faut que votre corps le croit, le sente réellement. Quand vous êtes à l’aise, déplacer cette balle plus loin. Puis faites là bouger dans le corps dans son ensemble. Vous devrez à terme la sentir se déplacer partout dans le corps.

Lorsque vous sentez cela, on peut se poser la question : que sentez-vous ? Est-ce réel ? Est-ce votre imagination ?

 

Essayez la chose suivante : vous avez un dérangement vertébral mineur. Envoyez la balle faire un tour dans la zone, vous sentirez certainement une remise en place de cette vertèbre (sans avoir à vous tortiller dans tous les sens)… Cela marche aussi avec une contracture musculaire ou un intestin spasmé (Juste, n’envoyez rien dans votre tête). Essayez autre chose, posez votre main sur une personne debout, en position neutre attendez un peu puis enlevez votre main. Marchez un peu avec votre partenaire, il s’arrête et reposez votre main mais déplacez la balle dans votre bras votre main puis dans son corps jusqu’au sacrum. Que se passe-t-il alors ?

 

Voici mon opinion sur la chose. La nature de ce qui agit là où on crée la construction mentale de la balle est inconnue. Par contre, cette chose a un effet. Ceci peut être du mouvement, de l’électricité, du magnétisme, autre chose ou un ensemble de ces choses en fonction des situations, j’en sais rien. Par contre, cela permet de diriger une intention pour changer la réalité.

Tous les chemins mènent-ils à Rome ?

 

En fait, je ne vois pas une seule pratique qui ne peut pas potentiellement développer le travail interne. C’est surtout l’approche du pratiquant qui va faire que cela sera fructueux ou non. En effet, l’interne est dans un premier temps très introspectif et dépendant totalement de l’état d’esprit de celui qui pratique. Je suis par exemple souvent effaré par les gens prétendant faire de l’énergétique et donc sentir des trucs très subtils alors qu’ils ne sont absolument pas conscients de leur corps… L’interne demande une écoute fine couplée à un testing sans relâche pour différencier ce qui est de l’ordre de l’imaginaire et ce qui est réel. D’ailleurs quand je parle de testing, mieux que des gens des appareils de mesure type plate-forme de force par exemple pour vérifier qu’il y a des modifications sur la posture par exemple…

A partir de là, n’importe quelle activité développera ces capacités. L’autre point qui nécessite une attention est l’objectif. Pas un objectif absolu et vague mais quelque chose de bien précis. Par exemple, je veux avoir des mains qui pèsent beaucoup plus. Ou alors être capable de générer de la chaleur dans de la glace. Peu importe. L’objectif doit être net. Par contre, paradoxalement, il faut tendre vers cet objectif sans chercher à l’atteindre. Si vous cherchez à l’atteindre, vous forcerez trop et ce sera un échec…

 

Sortir des idées préconçues

 

Les mots ne sont pas assez précis lorsqu’on aborde ce genre de pratiques. Le résultat est que l’on se retrouve avec de nombreuses idées qui potentiellement bloquent la progression.

Tout d’abord, le temps de pratique. Oui il faut du temps, comme dans toute pratique mais si vous ne pouvez rien générer au bout de quelques jours c’est qu’il y a un souci dans l’approche. Je parle bien de jours. Le travail interne est accessible à tous sans effort. Il n’y a rien de plus faux. Ce travail demande un vrai travail physique pour être le plus disponible possible et également avoir une conscience corporelle développée.Vous allez développer des superpouvoirs. Non plus raté. Vous allez avoir une plus grande conscience mais vous ne pouvez pas faire tomber des gens par la pensée. Par contre, vous pourrez optimiser votre manière de bouger et de sentir ce qu’il se passe avec une prise de décision toujours pertinente.

La progression dépend directement de l’effort fourni. Pas du tout. Il y a un aspect étrange à ce type de travail, il fonctionne énormément par révélation. C’est un peu comme trouver son équilibre sur un vélo. A un moment, on tombe sur une sensation, puis elle reste et ça fait progresser. Pourtant, on peut la chercher des mois sans que rien ne se passe. C’est comme ça…

 

Les arts martiaux et le travail interne

 

Les arts martiaux sont de superbes outils pour ce type de travail. En effet, ils permettent à la fois de prendre le temps de travailler sur soi et de tester ce qu’il se passe grâce à la présence d’un partenaire. Encore une fois, le partenaire n’est là que pour subir des effets subtils, sur l’équilibre, les alignements, la psyché. Ce type de travail ne peut se faire qu’avec un partenaire neutre dans l’intention. Ni complaisant, ni dans la recherche de mise en échec. On ne parle pas ici de combat mais plutôt de communication. La recherche étant basée sur le fait de faire faire au corps du partenaire ce que notre intention veut lui faire faire.
Ce type de travail peut se faire en statique mais il est bien plus intéressant de le faire en mouvement. En effet, l’interne sert le mouvement, même dans l’immobilité externe. Avoir un partenaire qui nous oblige à bouger et à nous défendre peut être très profitable si cela est fait dans le bon état d’esprit.

 

Conclusion

 

Le travail interne est certainement le travail le plus intéressant pour ceux qui ont passé de nombreuses années à pratiquer les arts martiaux. Comme il se dit souvent, une fois qu’on a compris comment faire mal à quelqu’un, il y a peut-être plus épanouissant à faire que trouver toujours de nouvelles façons de générer de la douleur. Le travail interne travaillé grâce aux méthodes des arts martiaux sera alors une vraie voie de recherche menant à de nombreuses directions et à une meilleure compréhension de l’humain.

Connaître les interprétations des uns et des autres sur ce type de travail est très enrichissant. Pour vous, qu’est-ce que le travail interne ? Laissez vos commentaires !

 

A bientôt

 

Yvan

4 commentaires

  • François

    Merci pour cet article!
    Sujet délicat en effet.
    Pur scientifique à la base, l’explication relève pour moi des influences fines au niveau nerveux, peut-être électrostatique..à creuser (on m’a dit qu’il y avait des recherches aux US)
    Je fais mien l’argument de J.Rostand: “faire appel au surnaturel, c’est supposer qu’on connaît tout du naturel”. Hélas, dans ce domaine, il est difficile d’enseigner, faute de vocabulaire précis…et on rencontre aussi beaucoup de foutaises.Délicat !
    Notre enseignant, Loïc Rebotier, parle de “perturber la manière dont le cerveau traite l’information”. Ca me plaît. Mais un autre instructeur, rencontré en stage, a lui la position “je ne comprends pas comment ça marche, donc je ne m’en sers pas” que je respecte aussi.

    • Taxam

      En effet, difficile à enseigner. Du coup, cela passe par des exercices avec des consignes précises mais sans explication à priori des effets observables (ou pas trop).

      Je pense qu’on a à faire à un ensemble de phénomènes différents mais utilisés pour faire une chose bien précise. Il y a en effet des pistes intéressantes mais je reviendrai là dessus dans d’autres articles sur le sujet.

  • Nico

    Article très intéressant. Merci pour ce partage très fin. Certaines traditions considèrent que l’imagination n’existe pas : on n’imagine pas, on capte quelque chose de ‘réel’ qui échappe à nos autres sens et à notre compréhension. Qu’en pensez-vous ?

    • Taxam

      Bonjour Nico et merci pour votre retour.

      Difficile de répondre. Je pense qu’il faut faire attention à une position absolue quand on parle de l’interne. Je pense qu’il y a une partie de vraie dans ce que vous dîtes, mais je ne pense pas que tout ce que nous imaginons ait un impact ailleurs que dans notre tête. Pour être plus précis, en terme de sensations, il y a une grosse différence entre ce que j’imagine et ce que je “capte”. Le premier cas n’affecte pas spécialement le corps tandis que le deuxième le fait réagir en même temps que la conscience.

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