Review : “je pratique la self-défense pour les nuls” par Guillaume Morel

Cela faisait très longtemps que je n’avais pas posté ici ! Il fallait un évènement notable pour me relancer à écrire sur le domaine des arts martiaux et encore plus de la self-défense pour de nombreuses raisons. Or, un évènement notable a eu lieu, Guillaume Morel, le co-auteur du livre référence sur la protection personnelle en français pour le grand public, Protegor, a sorti un nouveau livre sur la self-défense. C’était le premier livre sur le sujet que je lisais depuis un moment et je spoile un peu mais 1, j’ai adoré, 2, je trouve que c’est presque le livre parfait qui pouvait être écrit sur le sujet à l’adresse du grand public. Je vais donc faire une revue de ce livre en me focalisant sur l’intérêt que je trouve à ce livre et pourquoi pour moi, il transcende l’univers des arts martiaux en général pour être quasiment un livre de base à avoir au même titre qu’un livre de recette de cuisine ou de culture générale.

 

 

 

 La self-défense et sa littérature

 

 

Depuis une dizaine d’années, la littérature sur la self-défense me donne envie de mourir d’ennuie. Je préfère faire de la compta que de lire ce genre de livre. C’est pour dire… Pourquoi ? Toujours pour les mêmes raisons. Protegor à son époque avait bien posé la base de ce que devais être la protection personnelle. 5% de travail autour du combat, 95% sur ce qui se passe autour et ce qui permet de le prévenir. Or, quand on ouvre la plupart des bouquins sur le sujet, on tombe sur une intro de 10 à 20 pages qui nous explique que la protection personnelle c’est avant tout de la prévention et un peu de combat, puis 180 pages de photos de techniques de combat.

Alors au-delà du fait que à l’heure des vidéos en ligne, faire des photos de techniques c’est un peu obsolète, il y a comme une incohérence dans le propos. Alors, parfois, les techniques sont très bien hein, pas de soucis, mais du coup quelle plu-value par rapport à des vidéos de krav-maga ou de penchak ou de n’importe quoi qui utilise un peu des armes et des coups sportivement interdits ? (non je ne rentrerai pas dans le débat de la réalité MMA vs techniques interdites qui sont efficaces ou pas parce que un perso je m’en fous, deux si on voulait vraiment faire ce débat il faudrait une méthodologie qui tienne la route et ça c’est pas gagné).

Si vraiment l’expertise de la protection personnelle est dans ces 95%, pourquoi 80% du livre concerne le combat ? On est littéralement à l’inverse du principe de Paretto qui postule que 20 % du travail doit couvrir 80 % des besoins puisqu’ici, c’est 80% du bouquin qui couvre 5% du besoin…

Alors je comprends bien le problème, ces 95% demandent beaucoup de compétences différentes, demandent de prendre du recul sur la pratique de la salle pour pouvoir se pencher, demandent une certaine confiance en sa légitimité pour parler autant de droit, que de médecine, que de psychologie, que sociologie, que d’architecture ou de combat. Et enfin, cela demande également un esprit de synthèse, une capacité à faire des choix pertinents, prioriser l’information à apporter et bien d’autres qualités loin d’être à la portée de tous, malgré une vraie expertise de terrain dont je ne doute pas chez ces auteurs.

Protegor, le point de départ

 

 

Protegor est donc le premier livre de Guillaume (sur la self je précise). Déjà, à l’époque, il se démarquait sur deux points essentiels. Il s’adressait au grand public et il parlait de protection personnelle et pas de self-défense uniquement. Il existait des livres très intéressant en français sur la self mais ils étaient nichés et s’adressaient essentiellement à des pratiquants à la fois de part la diffusion mais aussi de part leur construction et le jargon. Je mettrai par exemple dans ce cas des livres comme neurocombat ou le livre de l’ACDS.

Protegor faisait déjà cet effort d’éducation à la protection personnelle. Il synthétisait des informations un peu tout ce qui était avant-gardiste à l’époque venant principalement des USA et des experts français totalement confidentiels pour le grand public.

Le livre à l’époque était divisé en trois, prévention, self-défense et conséquences à gérer. Simplement ça, c’était novateur par rapport à la littérature disponible. Maintenant, avec le recul, il y avait ce problème d’équilibre où la partie combat faisait environ un tiers du livre. L’autre problème est que Protegor présentait presque plus qu’une revue des connaissances sur ces sujets qu’une vraie stratégie pratique.

Il n’en reste pas moins qu’à l’époque et encore aujourd’hui, il n’y avait pas mieux sur le sujet pour le grand public. Cependant, il y avait quand même un soucis, que ce soit d’un point de vue jargon ou même préoccupation, pour apprécier Protegor, il fallait déjà avoir une appétence pour le sujet à mon avis.

 

 

Je pratique la self-défense, plus qu’un Protegor 2.0

 

Cette année, presque 15 ans après protegor première mouture je crois, Guillaume a donc sorti « je pratique la Self-défense » dans la collection pour les nuls.

Quand je l’ai acheté, je m’attendais à un rafraîchissement de Protegor ou à un ouvrage de vulgarisation pour toucher un public encore plus large…

Alors honnêtement, je pense que oui, ce livre va toucher un public plus large que Protegor. Déjà, de part la collection où il est sorti. D’ailleurs, le titre laisse suggérer que l’on veut parler au plus grand nombre. En effet, le choix de self-défense comme titre n’est pas anodin. Il est plus parlant pour le public que protection personnelle qui est pourtant plus que jamais le sujet.

Mais cela va plus loin. Dès les premières pages, en tant que lecteur, on est amené dans notre quotidien et cette impression ne nous quitte pas de tout le livre. Et c’est vraiment ce qui fait pour moi une énorme différence dans la force du message. Dans protegor, je lisais un reportage très bien fait sur la protection personnelle avec des tips qui peuvent être très utiles. Avec je pratique la self-défense pour les nuls, je lis un manuel pratique pour ma vie quotidienne et je comprends pourquoi je dois garder un œil attentif à toute cette partie de ma vie.

Si je devais donner un comparatif, je me sens autant impliqué en lisant ce livre qu’en lisant des livres d’efficacité professionnelle, des manuels de bricolage ou de cuisine ou de musculation.

Qu’est-ce qui fait cette différence ? D’entrée de jeu Guillaume positionne la violence et ses différents niveaux dans notre quotidien. A aucun moment il ne laisse la place à un imaginaire de duel de chevaliers ou de film d’arts martiaux. On parle de situations courantes qui dégénèrent et qu’on a tous connu, des comportements qui facilite la violence et dont nous sommes tous biens conscients quand on laisse le politiquement correct de côté et d’endroits qui ne sont pas des cages de MMA ou une ville sous les bombes durant un siège. Juste notre quotidien quand il est pénible à cause d’intrusions extérieures.

Ce changement de point de vue, nous rendant acteur et non plus spectateur du sujet change totalement l’état d’esprit du lecteur par rapport à Protegor.

 

Une véritable méthodologie se dessine

 

Protegor divisait la protection personnelle en trois étapes. Dans « je pratique la self-défense », Guillaume propose désormais cinq étapes elles-mêmes sub-divisées en trois parties. Le combat là-dedans concerne deux items soi même pas une 20aine de pages et je reviendrai sur cette partie parce que ce sont 20 vraies pages qualitatives. Ces étapes sont recoupées sous l’acronyme 5D (les gens dans la self aiment les acronymes) pour Détection/ Dissuasion/ Désescalade/ Défense/ Dénouement.

La difficultés et l’écueil qu’ont généralement les livres de protection personnelle sont qu’il est difficile de mettre des exercices pratiques pour travailler tout le reste et du coup proposer du contenu autre que théorique. C’est une des surprises agréables que j’ai eu en lisant ce livre, chaque partie contient du vrai contenu pratique et une véritable inspiration pour un prof de self-défense qui aimerait proposer des exercices sur ces parties-là. Mieux, même sur ces parties qui peuvent sembler très théoriques, des outils très applicables d’origines diverses sont proposées.

Alors certains exemples étaient dans protegor, d’autres ont été proposés en stage par Guillaume mais toujours pareil, intégrés dans ce contexte global, ils y sont bien.

La diversité des éléments présentés pour être prêts en situation de protection personnelle reste cependant impressionnantes. On passe par la communication, la négociation, la préparation physique, la gestion du stress, le combat, la maîtrise de l’équipement mais aussi la psychologie, le travail sur a connaissance de soi, les premiers secours et le droit… Dit comme cela, ç a peut faire peur. Mais c’est là que les connaissances de Guillaume et surtout sa capacité de synthèse démontre qu’il est définitivement un expert dans le domaine de la protection personnelle. En effet, bien que les domaines soient variés, les outils qu’il a choisi de présenter sont eux finalement peu nombreux par domaines et semblent suffisant pour atteindre le niveau minimal requis. On est en plein dans Paretto pour le coup. Un instructeur un tant soi peu pédagogue devrait donc sans trop de problème réussir à tout traiter dans un cours régulier et cela donnerait un cours très intéressant.

Pour le lecteur qui n’est pas du domaine, il peut jouer avec les exercices et les concepts pour se donner de bons comportements en situation compliquée en ayant une idée claire de pourquoi il fait quoi.

 

Il y a donc une vision globale de la situation, une stratégie bien définie, des outils précis avec des éducatifs proposés permettant d’atteindre des compétences identifiées, bref, ça ressemble sacrément à une méthode…

 

La partie self-défense a proprement parlé

 

Bien que ce ne soit qu’une partie mineure en taille du livre, je veux y consacrer quand même un paragraphe. En peu de pages, Je pense que Guillaume fait la proposition du set de coups et des drills associés nécessaires et suffisant pour un lambda qui n’a pas envie de passer sa vie à la salle d’entraînement. Alors évidemment il faut de la pratique pour intégrer mais concrètement, avec ce qui est proposé là-dedans, pour peu d’avoir un partenaire de temps en temps, j’imagine très bien des séances de 20 minutes quotidiennes pour driller la proposition et avoir de bons résultats.

Je veux insister là-dessus parce que ces vingt pages pourraient presque faire office de manuel nécessaire et suffisant pour que tout le monde ait un guide pratique. Cela me fait penser à un manuel de premier secours. Oui ça ne permet pas de faire une opération à cœur ouvert mais si tout le monde savait faire les gestes de bases, ça aiderait grandement…

Alors on sent grandement l’influence de Micka Illouz dans la façon de penser l’approche combatives, mais finalement, si c’est bon, pourquoi vouloir inventer du neuf.

Il n’y a qu’une seule chose avec laquelle je n’adhère pas, c’est les gross motor skills vs motricité fine. Alors oui, c’est une réalité. Cependant, il y a une autre voie passant par le moteur pour réussir à faire des mouvements à priori fins différemment pour que le stress ne soit pas un sujet. Mais bon c’est un détail.

En tous cas, je verrai bien une petite formation de deux ou trois heures en vidéo qui présenterait les sets d’exos pour pratiquer et acquérir ces compétences nécessaires de bases pour le conflit physique.

 

Réflexions personnelles

 

Comme cela ne fait aucun doute, j’ai adoré le livre et c’est clairement un bouquin que je pourrais offrir à Noël à des gens qui ne sont pas du tout sensibilisé à ce sujet, plus que protegor.

Maintenant, quelques réflexions. Cela fait longtemps que j’en parle et à Guillaume en particulier, mais pour moi, l’aspect environnement et finance fait intégralement partie de la protection personnelle et n’est toujours pas discuté. Pouvoir se payer rapidement un billet d’avion pour se barrer, ce n’est pas un luxe… Ne pas avoir à prendre le métro, c’est une stratégie de protection personnelle, ne pas avoir un métier qui implique une augmentation de nos chances de finir tué aussi. J’aurais donc ajouté un D genre déminer son environnement…

Je comprends bien la difficulté à traiter ce sujet et le rendre pratique néanmoins, il me semble tout aussi important que détecter ou dissuader.

Ensuite, il y a un discours que j’apprécie chez Guillaume c’est qu’il est très connecté aux discours actuels sur la violence, la notion de responsabilité et de l’usage de cette violence et qu’il est capable d’apporter un éclairage dépassionné et très pragmatique sur le sujet. Cela mériterait une démarche plus active envers les différents groupes qui ne réalisent pas le problème du sujet de la violence.

Enfin, comme dernier point, j’aimerais parler un peu de Guillaume et de son positionnement. De part son métier, Guillaume pourrait passer pour un amateur éclairé de la self-défense. En effet, il n’a pas fait les forces spéciales, videur, policier au raid ou je ne sais pas quoi. Mais ce qu’il faut garder en tête, c’est que je préfère apprendre la protection personnelle de quelqu’un qui étudie le sujet, vit dans une grande ville en tant que citoyen lambda et qui n’a jamais eu de problèmes d’agression.

En effet, un gros problème de l’expérience, c’est que l’on confond un cas personnel avec un enseignement applicable à tous. Et le cas personnel d’un videur est très éloigné de mes considérations. De plus, Guillaume de part sa position a été obligé d’énormément étudier, rencontrer de nombreux experts et en a sorti une synthèse. Ceci lui a demandé et permis de prendre beaucoup plus de hauteur que de nombreux experts et explique en partie pourquoi il est capable de développer un propos aussi clair sur cette pratique pourtant compliquée de la protection personnelle.

J’aimerais donc terminer sur le fait que je pense que Guillaume est aujourd’hui un véritable expert de la self-protection pour le citoyen de base, soit elle qui touche tout le monde et que pour travailler sur ce sujet dans sa globalité, je ne vois pas mieux en France.

 

Conclusion

 

Je pratique la self-défense pour les nuls est donc bien plus qu’une mise à jour. Aujourd’hui, c’est le livre qui doit être mis en toutes les mains en tant que manuel d’éducation à la protection personnelle.

Les personnes aguerries sur le sujet quant à elles trouveront de façon organisée tout ce qu’il leur faut pour progresser et qu’ils connaissent peut-être déjà du moins en partie. Enfin, les profs d’arts martiaux et de sport de combat auront de quoi ouvrir leurs élèves à la protection perso.

Je vous conseille donc de l’acheter les yeux fermés et il restera comme manuel pratique de référence sur le sujet.

 

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